mardi 14 juin 2011

Roland Barthes et L'Empire des signes


« Les villes quadrangulaires, réticulaires (Los Angeles, par exemple) produisent, dit-on, un malaise profond ; elles blessent en nous un sentiment cénesthésique de la ville, qui exige que tout espace urbain ait un centre où aller, d’où revenir, un lieu complet dont rêver et par rapport à quoi se diriger ou se retirer, en un mot s’inventer. Pour de multiples raisons (historiques, économiques, religieuses, militaires), l’Occident n’a que trop bien compris cette loi : toutes les villes sont concentriques ; mais aussi, conformément au mouvement même de la métaphysique occidentale, pour laquelle tout centre est le lieu de la vérité, le centre de nos villes est toujours plein ; lieu marqué, c’est en lui que se rassemblent et se condensent les valeurs de la civilisation : la spiritualité (avec les églises), le pouvoir (avec les bureaux), l’argent (avec les banques), la marchandise (avec les grands magasins), la parole (avec les agoras : cafés et promenades) : aller dans le centre, c’est rencontrer la "vérité" sociale, c’est participer à la plénitude superbe de la "réalité".

« La ville dont je parle (Tokyo) présente ce paradoxe précieux : elle possède bien un centre, mais ce centre est vide. Toute la ville tourne autour d’un lieu à la fois interdit et indifférent, demeure masquée sous la verdure, défendue par des fossés d’eau, habitée par un empereur qu’on ne voit jamais, c’est-à-dire, à la lettre, par on ne sait qui. Journellement, de leur conduite preste, énergique, expéditive comme la ligne d’un tir, les taxis évitent ce cercle, dont la crête basse, forme visible de l’invisibilité, cache le "rien" sacré. L’une des deux villes les plus puissantes de la modernité est donc construite autour d’un anneau opaque de murailles, d’eaux, de toits et d’arbres, dont le centre lui-même n’est plus qu’une idée évaporée, subsistant là non pour irradier quelque pouvoir, mais pour donner à tout le mouvement urbain l’appui de son vide central, obligeant la circulation à un perpétuel dévoiement. De cette manière, nous dit-on, l’imaginaire se déploie circulairement, par détours et retours le long d’un sujet vide. »

L’Empire des signes, Paris, Points Seuil, 2005, pp. 47-50.


« Les rues de cette ville n’ont pas de nom. Il y a bien une adresse écrite, mais elle n’a qu’une valeur postale, elle se réfère à un cadastre (par quartiers, par blocs, nullement géométriques), dont la connaissance est accessible au facteur, non au visiteur : la plus grande ville du monde est pratiquement inclassée, les espaces qui la composent en détail sont innommés. Cette oblitération domiciliaire paraît incommode à ceux (comme nous) qui ont été habitués à décréter que le plus pratique est toujours le plus rationnel (principe en vertu duquel la meilleure toponymie urbaine serait celle des rues-numéros, comme aux Etats-Unis ou à Kyoto, ville chinoise). Tokyo nous redit cependant que le rationnel n’est qu’un système parmi d’autres. Pour qu’il y ait maîtrise du réel (en l’occurrence celui des adresses), il suffit qu’il y ait système, ce système fût-il apparemment illogique, inutilement compliqué, curieusement disparate : un bon bricolage peut non seulement tenir très longtemps, on le sait, mais encore il peut satisfaire des millions d’habitants, dressés, d’autre part à toutes les perfections de la civilisation technicienne.

« L’anonymat est suppléé par un certain nombre d’expédients (c’est du moins ainsi qu’ils nous apparaissent), dont la combinaison forme système. On peut figurer l’adresse par un schéma d’orientation (dessiné ou imprimé), sorte de relevé géographique qui situe le domicile à partir d’un repère connu, une gare par exemple (…). On peut aussi, pour peu que l’on connaisse déjà l’endroit où l’on va, diriger soi-même le taxi de rue en rue. On peut enfin prier le chauffeur de se faire lui-même guider par le visiteur lointain chez qui l’on va, à partir de l’un de ces gros téléphones rouges installés à presque tous les éventaires d’une rue. Tout cela fait de l’expérience visuelle un élément décisif de l’orientation : proposition banale s’il s’agissait de la jungle ou de la brousse, mais qui l’est beaucoup moins concernant une très grande ville moderne, dont la connaissance est d’ordinaire assurée par le plan, le guide, l’annuaire de téléphone, en un mot la culture imprimée et non la pratique gestuelle. Ici, au contraire, la domiciliation n’est soutenue par aucune abstraction ; hors le cadastre, elle n’est qu’une pure contingence : bien plus factuelle que légale, elle cesse d’affirmer la conjonction d’une identité et d’une propriété. Cette ville ne peut être connue que par une activité de type ethnographique : il faut s’y orienter, non par le livre, l’adresse, mais par la marche, la vue, l’habitude, l’expérience ; toute découverte y est intense et fragile, elle ne pourra être retrouvée que par le souvenir de la trace qu’elle a laissée en nous : visiter un lieu pour la première fois, c’est de la sorte commencer à l’écrire : l’adresse n’étant pas écrite, il faut bien qu’elle fonde elle-même sa propre écriture. »

Ibid., pp. 51-55.

« La gare, vaste organisme où se logent à la fois les grands trains, les trains urbains, le métro, un grand magasin et tout un commerce souterrain, la gare donne au quartier ce repère, qui, au dire de certains urbanistes, permet à la ville de signifier, d’être lue. La gare japonaise est traversée de mille trajets fonctionnels, du voyage à l’achat, du vêtement à la nourriture : un train peut déboucher dans un rayon de chaussures. Vouée au commerce, au passage, au départ et cependant tenue dans un bâtiment unique, la gare (est-ce d’ailleurs ainsi qu’il faut appeler ce nouveau complexe ?) est nettoyée de ce caractère sacré qui marque ordinairement les grands repères de nos villes : cathédrales, églises, mairies, monuments historiques. Ici, le repère est entièrement prosaïque ; sans doute le marché est, lui aussi, un lieu central de la ville occidentale ; mais à Tokyo la marchandise est défaite par l’instabilité de la gare : un incessant départ en contrarie la concentration ; on dirait qu’elle n’est que la matière préparatoire du paquet et que le paquet lui-même n’est que le passe, le ticket qui permet de partir.

« Ainsi chaque quartier se ramasse dans le trou de sa gare, point vide d’affluence de ses emplois et de ses plaisirs. »

Ibid., pp. 56-57.

samedi 4 juin 2011

"A propos des nouveaux philosophes et d’un problème plus général" par Gilles Deleuze

[Ce texte de Gilles Deleuze a été distribué gratuitement en supplément au n°24, mai 1977, de la revue bimestrielle Minuit.]

- Que penses-tu des « nouveaux philosophes » ?

- Rien. Je crois que leur pensée est nulle. Je vois deux raisons possibles à cette nullité. D’abord ils procèdent par gros concepts, aussi gros que des dents creuses, LA loi, LE pouvoir, LE maître, LE monde, LA rébellion, LA foi, etc. Ils peuvent faire ainsi des mélanges grotesques, des dualismes sommaires, la loi et le rebelle, le pouvoir et l’ange. En même temps, plus le contenu de pensée est faible, plus le penseur prend d’importance, plus le sujet d’énonciation se donne de l’importance par rapport aux énoncés vides (« moi, en tant que lucide et courageux, je vous dis..., moi, en tant que soldat du Christ..., moi, de la génération perdue..., nous, en tant que nous avons fait mai 68..., en tant que nous ne nous laissons plus prendre aux semblants... »). Avec ces deux procédés, ils cassent le travail. Car ça fait déjà un certain temps que, dans toutes sortes de domaines, les gens travaillent pour éviter ces dangers-là. On essaie de former des concepts à articulation fine, ou très différenciée, pour échapper aux grosses notions dualistes. Et on essaie de dégager des fonctions créatrices qui ne passeraient plus par la fonction-auteur (en musique, en peinture, en audio-visuel, en cinéma, même en philosophie). Ce retour massif à un auteur ou à un sujet vide très vaniteux, et à des concepts sommaires stéréotypés, représente une force de réaction fâcheuse. C’est conforme à la réforme Haby : un sérieux allègement du « programme » de la philosophie.

- Dis-tu cela parce que B.-H. Lévy vous attaque violemment, Guattari et toi, dans son livre Barbarie à visage humain ?

- Non, non, non. Il dit qu’il y a un lien profond entre L’Anti-Œdipe et « l’apologie du pourri sur fumier de décadence » (c’est comme cela qu’il parle), un lien profond entre L’Anti-Œdipe et les drogués. Au moins, ça fera rire les drogués. Il dit aussi que le Cerfi est raciste : là, c’est ignoble. Il y a longtemps que je souhaitais parler des nouveaux philosophes, mais je ne voyais pas comment. Ils auraient dit tout de suite : voyez comme il est jaloux de notre succès. Eux, c’est leur métier d’attaquer, de répondre, de répondre aux réponses. Moi, je ne peux le faire qu’une fois. Je ne répondrai pas une autre fois. Ce qui a changé la situation pour moi, c’est le livre d’Aubral et de Delcourt, Contre la nouvelle philosophie. Aubral et Delcourt essaient vraiment d’analyser cette pensée, et ils arrivent à des résultats très comiques. Ils ont fait un beau livre tonique, ils ont été les premiers à protester. Ils ont même affronté les nouveaux philosophes à la télé, dans l’émission « Apostrophes ». Alors, pour parler comme l’ennemi, un Dieu m’a dit qu’il fallait que je suive Aubral et Delcourt, que j’aie ce courage lucide et pessimiste.

- Si c’est une pensée nulle, comment expliquer qu’elle semble avoir tant de succès, qu’elle s’étende et reçoive des ralliements comme celui de Sollers ?

- Il y a plusieurs problèmes très différents. D’abord, en France on a longtemps vécu sur un certain mode littéraire des « écoles ». Et c’est déjà terrible, une école : il y a toujours un pape, des manifestes, des déclarations du type « je suis l’avant-garde », (les excommunications, des tribunaux, des retournements politiques, etc. En principe général, on a d’autant plus raison qu’on a passé sa vie à se tromper, puisqu’on peut toujours dire « je suis passé par là ». C’est pourquoi les staliniens sont les seuls à pouvoir donner des leçons d’antistalinisme. Mais enfin, quelle que soit la misère des écoles, on ne peut pas dire que les nouveaux philosophes soient une école. Ils ont une nouveauté réelle, ils ont introduit en France le marketing littéraire ou philosophique, au lieu de faire une école. Le marketing a ses principes particuliers :

1. il faut qu’on parle d’un livre et qu’on en fasse parler, plus que le livre lui-même ne parle ou n’a à dire. A la limite, il faut que la multitude des articles de journaux, d’interviews, de colloques, d’émissions radio ou télé remplacent le livre, qui pourrait très bien` ne pas exister du tout. C’est pour cela que le travail auquel se donnent les nouveaux philosophes est moins au niveau des livres qu’ils font que des articles à obtenir, des journaux et émissions à occuper, des interviews à placer, d’un dossier à faire, d’un numéro de Playboy. Il y a là toute une activité qui, à cette échelle et à ce degré d’organisation, semblait exclue de la philosophie, ou exclure la philosophie.

2. Et puis, du point de vue d’un marketing, il faut que le même livre ou le même produit aient plusieurs versions, pour convenir à tout le monde une version pieuse, une athée, une heideggerienne, une gauchiste, une centriste, même une chiraquienne ou néo-fasciste, une « union de la gauche » nuancée, etc. D’où l’importance d’une distribution des rôles suivant les goûts. Il y a du Dr Mabuse dans Clavel, un Dr Mabuse évangélique, Jambet et Lardreau, c’est Spöri et Pesch, les deux aides à Mabuse (ils veulent « mettre la main au collet » de Nietzsche). Benoist, c’est le coursier, c’est Nestor. Lévy, c’est tantôt l’imprésario, tantôt la script-girl, tantôt le joyeux animateur, tantôt le dise-jockey. Jean Cau trouve tout ça rudement bien ; Fabre-Luce se fait disciple de Glucksmann ; on réédite Benda, pour les vertus du clerc. Quelle étrange constellation.

Sollers avait été le dernier en France à faire encore une école vieille manière, avec papisme, excommunications, tribunaux. Je suppose que, quand il a compris cette nouvelle entreprise, il s’est dit qu’ils avaient raison, qu’il fallait faire alliance, et que ce serait trop bête de manquer ça. Il arrive en retard, mais il a bien vu quelque chose. Car cette histoire de marketing dans le livre de philosophie, c’est réellement nouveau, c’est une idée, il « fallait » l’avoir. Que les nouveaux philosophes restaurent une fonction-auteur vide, et qu’ils procèdent avec des concepts creux, toute cette réaction n’empêche pas un profond modernisme, une analyse très adaptée du paysage et du marché. Du coup, je crois que certains d’entre nous peuvent même éprouver une curiosité bienveillante pour cette opération, d’un point de vue purement naturaliste ou entomologique. Moi, c’est différent, parce que mon point de vue est tératologique : c’est de l’horreur.

- Si c’est une question de marketing, comment expliques-tu qu’il ait fallu les attendre, et que ce soit maintenant que ça risque de réussir ?

- Pour plusieurs raisons, qui nous dépassent et les dépassent eux-mêmes. André Scala a analysé récemment un certain renversement dans les rapports journalistes-écrivains, presse-livre. Le journalisme, en liaison avec la radio et la télé, a pris de plus en plus vivement conscience de sa possibilité de créer l’événement (les fuites contrôlées, Watergate, les sondages ?). Et de même qu’il avait moins besoin de se référer à des événements extérieurs, puisqu’il en créait une large part, il avait moins besoin aussi de se rapporter à des analyses extérieures au journalisme, ou à des personnages du type « intellectuel », « écrivain » : le journalisme découvrait en lui-même une pensée autonome et suffisante. C’est pourquoi, à la limite, un livre vaut moins que l’article de journal qu’on fait sur lui ou l’interview à laquelle il donne lieu. Les intellectuels et les écrivains, même les artistes, sont donc conviés à devenir journalistes s’ils veulent se conformer aux normes. C’est un nouveau type de pensée, la pensée-interview, la pensée-entretien, la pensée-minute. On imagine un livre qui porterait sur un article de journal, et non plus l’inverse. Les rapports de force ont tout à fait changé, entre journalistes et intellectuels. Tout a commencé avec la télé, et les numéros de dressage que les interviewers ont fait subir aux intellectuels consentants. Le journal n’a plus besoin du livre. je ne dis pas que ce retournement, cette domestication de l’intellectuel, cette journalisation, soit une catastrophe. C’est comme ça : au moment même où l’écriture et la pensée tendaient à abandonner la fonction-auteur, au moment où les créations ne passaient plus par la fonction-auteur, celle-ci se trouvait reprise par la radio et la télé, et par le journalisme. Les journalistes devenaient les nouveaux auteurs, et les écrivains qui souhaitaient encore être des auteurs devaient passer par les journalistes, ou devenir leurs propres journalistes. Une fonction tombée dans un certain discrédit. retrouvait une modernité et un nouveau conformisme, en changeant de lieu et d’objet. C’est cela qui a rendu possible les entreprises de marketing intellectuel. Est-ce qu’il y a d’autres usages actuels d’une télé, d’une radio ou d’un journal ? Évidemment, mais ce n’est plus la question des nouveaux philosophes. Je voudrais en parler tout à l’heure.

Il y a une autre raison. Nous sommes depuis longtemps en période électorale. Or, les élections, ce n’est pas un point local ni un jour à telle date. C’est comme une grille qui affecte actuellement notre manière de comprendre et même de percevoir. On rabat tous les événements, tous les problèmes, sur cette grille déformante. Les conditions particulières des élections aujourd’hui font que le seuil habituel de connerie monte. C’est sur cette grille que les nouveaux philosophes se sont inscrits dès le début. Il importe peu que certains d’entre eux aient été immédiatement contre l’union de la gauche, tandis que d’autres auraient souhaité fournir un brain-trust de plus à Mitterrand. Une homogénéisation des deux tendances s’est produite, plutôt contre la gauche, mais surtout à partir d’un thème qui était présent déjà dans leurs premiers livres : la haine de 68. C’était à qui cracherait le mieux sur mai 68. C’est en fonction de cette haine qu’ils ont construit leur sujet d’énonciation : « Nous, en tant que nous avons fait mai 68 ( ?? ), nous pouvons vous dire que c’était bête, et que nous ne le ferons plus. » Une rancœur de 68, ils n’ont que ça à vendre. C’est en ce sens que, quelle que soit leur position par rapport aux élections, ils s’inscrivent parfaitement sur la grille électorale. A partir de là, tout y passe, marxisme, maoïsme, socialisme, etc., non pas parce que les luttes réelles auraient fait surgir de nouveaux ennemis, de nouveaux problèmes et de nouveaux moyens, mais parce que LA révolution doit être déclarée impossible, uniformément et de tout temps. C’est pourquoi tous les concepts qui commençaient à fonctionner d’une manière très différenciée (les pouvoirs, les résistances, les désirs, même la « plèbe ») sont à nouveau globalisés, réunis dans la fade unité du pouvoir, de la loi, de l’État, etc. C’est pourquoi aussi le Sujet pensant revient sur la scène, car la seule possibilité de la révolution, pour les nouveaux philosophes, c’est l’acte pur du penseur qui la pense impossible.

Ce qui me dégoûte est très simple : les nouveaux philosophes font une martyrologie, le Goulag et les victimes de l’histoire. Ils vivent de cadavres. Ils ont découvert la fonction-témoin, qui ne fait qu’un avec celle d’auteur ou de penseur (voyez le numéro de Playboy : c’est nous les témoins...). Mais il n’y aurait jamais eu de victimes si celles-ci avaient pensé comme eux, ou parlé comme eux. Il a fallu que les victimes pensent et vivent tout autrement pour donner matière à ceux qui pleurent en leur nom, et qui pensent en leur nom, et donnent des leçons en leur nom. Ceux qui risquent leur vie pensent généralement en termes de vie, et pas de mort, d’amertume et de vanité morbide. Les résistants sont plutôt de grands vivants. Jamais on n’a mis quelqu’un en prison pour son impuissance et son pessimisme, au contraire. Du point de vue des nouveaux philosophes, les victimes se sont fait avoir, parce qu’elles n’avaient pas encore compris ce que les nouveaux philosophes ont compris. 5i je faisais partie d’une association, je porterais plainte contre les nouveaux philosophes, qui méprisent un peu trop les habitants du Goulag.

- Quand tu dénonces le marketing, est-ce que tu milites pour la conception vieux-livre, ou pour les écoles ancienne manière ?

- Non, non, non. Il n’y a aucune nécessité d’un tel choix : ou bien marketing, ou bien vieille manière. Ce choix est faux. Tout ce qui se passe de vivant actuellement échappe à cette alternative. Voyez comme les musiciens travaillent, comme les gens travaillent dans les sciences, comme certains peintres essaient de travailler, comment des géographes organisent leur travail (cf. la revue Hérodote). Le premier trait, c’est les rencontres. Pas du tout les colloques ni les débats, mais, en travaillant dans un domaine, on rencontre des gens qui travaillent dans un tout autre domaine, comme si la solution venait toujours d’ailleurs. Il ne s’agit pas de comparaisons ou d’analogies intellectuelles, mais d’intersections effectives, de croisements de lignes. Par exemple (cet exemple est important, puisque les nouveaux philosophes parlent beaucoup d’histoire de la philosophie), André Robinet renouvelle aujourd’hui l’histoire de la philosophie, avec des ordinateurs ; il rencontre forcément Xenakis. Que des mathématiciens puissent faire évoluer ou modifier un problème d’une tout autre nature ne signifie pas que le problème reçoit une solution mathématique, mais qu’il comporte une séquence mathématique qui entre en conjugaison avec d’autres séquences. C’est effarant, la manière dont les nouveaux philosophes traitent « la » science. Rencontrer avec son propre travail le travail des musiciens, des peintres ou des savants est la seule combinaison actuelle qui ne se ramène ni aux vieilles écoles ni à un néo-marketing. Ce sont ces points singuliers qui constituent des foyers de création, des fonctions créatrices indépendantes de la fonction-auteur, détachées de la’ fonction-auteur. Et ça ne vaut pas seulement pour des croisements de domaines différents, c’est chaque domaine, chaque morceau de -domaine, si petit soit-il, qui est déjà fait de tels croisements. Les philosophes doivent venir de n’importe où : non pas au sens où la philosophie dépendrait d’une sagesse populaire un peu partout, mais au sens où chaque rencontre en produit, en même temps qu’elle définit un nouvel usage, une nouvelle position d’agencements - musiciens sauvages et radios pirates. Eh bien, chaque fois que les fonctions créatrices désertent ainsi la fonction-auteur, on voit celle-ci se réfugier dans un nouveau conformisme de « promotion ». C’est toute une série de batailles plus ou moins visibles : le cinéma, la radio, la télé sont la possibilité de fonctions créatrices qui ont destitué l’Auteur ; mais la fonction-auteur se reconstitue à l’abri des usages conformistes de ces médias. Les grandes sociétés de production se remettent à favoriser un « cinéma d’auteur » ; Jean-Luc Godard trouve alors le moyen de faire passer de la création dans la télé ; mais la puissante organisation de la télé a elle-même ses fonctions-auteur par lesquelles elle empêche la création. Quand la littérature, la musique, etc., conquièrent de nouveaux domaines de création, la fonction-auteur se reconstitue dans le journalisme, qui va étouffer ses propres fonctions créatrices et celles de la littérature. Nous retombons sur les nouveaux philosophes : ils ont reconstitué une pièce étouffante, asphyxiante, là où un peu d’air passait. C’est la négation de toute politique, et de toute expérimentation. Bref, ce que je leur reproche, c’est de faire un travail de cochon ; et que ce travail s’insère dans un nouveau type de rapport presse-livre parfaitement réactionnaire : nouveau, oui, mais conformiste au plus haut point. Ce ne sont pas les nouveaux philosophes qui importent. Même s’ils s’évanouissent demain, leur entreprise de marketing sera recommencée. Elle représente en effet la soumission de toute pensée aux médias ; du même coup, elle donne à ces médias le minimum de caution et de tranquillité intellectuelles pour étouffer les tentatives de création qui les feraient bouger eux-mêmes. Autant de débats crétins à la télé, autant de petits films narcissiques d’auteur - d’autant moins de création possible dans la télé et ailleurs. Je voudrais proposer une charte des intellectuels, dans leur situation actuelle par rapport aux médias, compte tenu des nouveaux rapports de force : refuser, faire valoir des exigences, devenir producteurs, au lieu d’être des auteurs qui n’ont plus que l’insolence des domestiques ou les éclats d’un clown de service. Beckett, Godard ont su s’en tirer, et créer de deux manières très différentes : il y a beaucoup de possibilités, dans le cinéma, l’audio-visuel, la musique, les sciences, les livres... Mais les nouveaux philosophes, c’est vraiment l’infection qui s’efforce d’empêcher tout ça. Rien de vivant ne passe par eux, mais ils auront accompli leur fonction s’ils tiennent assez la scène pour mortifier quelque chose.

5 juin 1977.


Disponible sur le site multitudes.

"Zéropolis. L’expérience de Las Vegas" par Bruce Bégout

Dans la gueule du Léviathan


Que suis-je donc venu faire à Las Vegas ? N’avais-je pas mieux à faire que de séjourner pour quelque temps dans la capitale mondiale du jeu et du divertissement, un parc à thème qui, envahissant sans vergogne son environnement, a enflé démesurément jusqu’à prendre les dimensions monstrueuses d’une ville qui a trop vite grandi, nouvelle expression de cette « barbarie stylisée » de l’industrie des biens culturels qu’Adorno et Horkheimer vouaient aux gémonies ?Sans doute aurais-je pu passer mon temps dans la réserve des indiens Hopi à étudier cette culture ancestrale qui a tant fasciné Aby Warburg et Max Ernst. Sans doute aurais-je pu me diriger vers la petite ville d’Abiquiu au Nouveau-Mexique pour retrouver la maison où a vécu et peint Georgia O’Keeffe. Mais je ne l’ai pas fait, pas cette fois en tout cas, j’ai pris une chambre dans un motel de la périphérie de la ville, un motel miteux et vaguement menaçant, et je me suis livré corps et âme, sans aucune retenue, à la nouvelle Babylone mercantile et infantile, à la Ninive peinturlurée de néons pimpants où la populace acculturée vient se gaver de fausses sensations. Avec une patience résistant à tous les excès, à tous les caprices, à toutes les sollicitations les plus extravagantes et les plus épuisantes les unes que les autres, j’ai fait l’expérience de Las Vegas. Sans pudibonderie ni dédain, sans effroi ni dégoût, je me suis livré à la ville. J’ai mis ma tête dans la gueule du Léviathan et j’ai voulu sonder ses entrailles. Plutôt que de décrier Sin city qui a effectivement fondé sa richesse sur le commerce du vice et fait fructifier son capital sur les sept péchés capitaux, j’ai voulu humblement – si à Las Vegas l’humilité peut encore avoir un sens – la décrire, exposer ses formes, comprendre son mécanisme, prévoir ses effets. Zéropolis raconte cette aventure du corps et de l’esprit. Mais qu’ai-je vu ?


Beaucoup et pas grand-chose, ou plutôt un « beaucoup » qui est un « pas grand-chose ». Beaucoup d’enseignes, d’attractions, de machines à sous, de tables de jeu, des joueurs survoltés ou exténués, de serveurs aigris, moroses ou tout simplement munis du sourire stéréotype tout juste sorti du congélateur. Beaucoup de signes et d’images, de symboles et de spectacles. Beaucoup de bruit, de lumière et de secousses.

Mais derrière cette façade munificente où rivalisent les hôtels-casinos et les spectacles de rue, les shows mégalos et les milliardaires analphabètes, l’appauvrissement de l’expérience a fait son œuvre. Que l’expérience vécue à Las Vegas soit pauvre, cela ne veut pas dire pour moi simplement que les possibilités offertes demeurent relativement misérables du point de vue de la complexité affective et intellectuelle de l’être humain normal, mais qu’elles se contentent finalement de peu, une sorte de ravissement stupide et immédiat qui clôt tout désir. Le summum de l’expérience pauvre culmine dans l’amnésie que provoque une exposition prolongée aux rayons de la ville. Sans histoire, Las Vegas est aussi une ville sans avenir ; elle se limite au pur et simple instant qu’elle comble, comme une baudruche qui éclate de partout, de toutes les dernières inventions technologiques, des vedettes à la mode, des phénomènes dernier cri. Faisant pièce de la durée, elle se vit dans une sorte d’instantanéité qui vaut pour tous les temps, un nunc stans qui délivre tout citadin des horizons du futur comme des attaches du passé.


C’est la raison pour laquelle, sans souci de sa propre mémoire (cette incurie patrimoniale se révèle dans le déni des anciens casinos, démolis sans une larme : le Sand’s, le Dune’s, le Sahara, etc.), Las Vegas détruit et reconstruit sans cesse les bâtiments qui sont censés lui conférer une certaine réalité. Sorte de tour de Babel qui défait les étages inférieurs pour édifier les étages supérieurs, Las Vegas, voulant sans cesse aller plus haut, voir en plus grand, se tient ainsi en équilibre dans le vide. Mais pour combien de temps encore ? Peu importe, l’essentiel réside dans la tentative grandiose de se mesurer à l’incommensurable. Dans son abandon total à l’oubli et au divertissement, dans sa passion quotidienne pour le superflu et l’ostentatoire, il y a quelque chose de sublime, une forme d’abnégation sereine à l’incompréhensibilité du monde. Il faut le reconnaître : Las Vegas a le génie de la vulgarité, saine et énergique, sans remords ni scrupule.


Rien n’est par conséquent plus étranger à mes propos qu’une condamnation puritaine du divertissement et de ses excès. Le jeu, qu’il soit brutal ou intelligent, constitue une activité fondatrice de l’espèce humaine. Le plaisir que procure tout divertissement véritable augmente le sentiment d’exister et, en ce sens, potentialise notre vie. Mais, ceci étant dit, je ne sais pas si l’on joue vraiment à Las Vegas. On se défoule, on se grise, on exulte, mais grâce à des procédés conçus par d’autres auxquels on participe passivement et de manière impersonnelle.


Je sais bien que personne n’est dupe de la fausseté de cette ville factice et virtuelle (les murs d’images numériques ont ainsi peu à peu remplacé les néons qui apparaissent aujourd’hui aussi archaïques que des torches à huile ou des becs de gaz), personne ne se laisse prendre vraiment à son imagerie simpliste et puérile. Mais, si tout le monde se précipite, en toute connaissance de cause, dans le Nevada, ne serait-ce que pour s’assurer de sa lucidité, qu’est-ce que cela change à l’affaire ? Les hôtels sont pleins et les tables de craps ne désemplissent pas. Tout le monde, dans son hyperconscience critique, trépigne devant les shows laser et chemine d’attraction en attraction, en se disant que l’on ne l’y prend pas. A un certain stade, la clairvoyance confine à la soumission. La lucidité de l’homme moderne est impotente à partir du moment où sa connaissance du mensonge ne l’incite pas à dire la vérité. Il a beau comprendre les rouages et les roueries du système qui exploite de manière éhontée sa crédulité, il n’en tire aucune conséquence, mais, plein de la suffisance que lui procure sa perspicacité invalide, il fait comme si de rien n’était.


Ce qui m’a le plus surpris à Las Vegas, ce n’est pas le centre de la ville dédié au jeu et au divertissement (Downtown et le Strip réunis) – j’avais déjà une idée vague de ce qu’un parc d’attractions géant pouvait représenter – mais tout le reste, la banlieue sinistre et uniforme, les trailerparks misérables, les résidences clôturées, les petits centres commerciaux périphériques, ce résidu urbain qui ne peut se cacher derrière son vêtement de parade fait de strass et de paillettes. Le plus grand drame de Las Vegas est que son système binaire vide tout ce qui ne veut pas entrer dans la danse du divertissement intégral de sa substance et en fait quelque chose de terne et de sans intérêt. Il n’y a plus d’alternative urbaine : soit le centre bariolé et clinquant, soit la banlieue morne et monochrome. Las Vegas représente sans doute l’une des premières villes de la purification urbanistique, où les classes urbaines se distribuent selon les échelles du fun. Ceux qui n’ont aucune envie de se mêler à cette bacchanale sans risque ni danger, ou qui n’en ont pas les moyens, vivotent aux marges de la ville, renvoyés à la misère d’un espace sans identité ni définition.


Néanmoins, comme lot de consolation mental, la ludocratie de Las Vegas, qui entremêle fun et autorité, veut sincèrement réaliser les aspirations de tout un chacun. Son diktat n’est autre que notre bonheur, dans la stricte mesure où ce dernier maintient en l’état la marche de l’économie. Ses velléités sont louables, on peut même penser que le néocapitalisme nomade et jovial réussira dans son entreprise sociale de satisfaire tout le monde, même les désirs en apparence les moins susceptibles d’être assouvis par le système marchand. La limite de l’artificiel et du naturel est mince lorsque la répétition quotidienne transforme le premier dans le second. Je ne doute aucunement de la sincérité de Las Vegas, je la remercie même de sa franchise finalement bon enfant qui mise tout sur la combinaison du pouvoir, de l’argent et du divertissement, pourvu que les affaires continuent. Tandis que les esprits chagrins chicanent et pestent, elle s’ingénie à réaliser des palais tape-à-l’œil, des labyrinthes mordorés et des galeries féeriques à cinq cents. A quand un hôtel-casino de l’esprit critique et de la subversion sociale, un School of Francfort Inn ? Les groupes désordonnés qui défilent devant moi n’ont cure de mes moues dubitatives, ils voudraient que je leur renvoie le sourire éclatant et définitif de l’admission du réel tel qu’il est, de la jouissance sans retenue de ce qui va de soi. Je ne suis pas loin de fléchir.


Mais, au bout de l’allée souterraine qui mène au parking du New York New York, la mine défaite d’une petite vieille qui fouille dans ses poches pour retrouver ses clefs de voiture et fait tomber un carnet de coupons de réduction me retient de basculer dans la fausse satisfaction de mes faux besoins. Le charme de l’artifice amassé dans les décors loufoques et dans le mode de vie irréel s’est subitement brisé et le retour au monde quotidien s’effectue sans le moindre ménagement. La foule des vaincus passe à côté d’elle sans un regard. Le teint tonitruant que leur procure l’éclairage paradisiaque du tunnel n’est pas sans ajouter à leur amnésie collective une touche de résignation heureuse.


Bruit de fond


Là où la cacophonie des fabriques du divertissement s’efface progressivement pour laisser place à un léger mais constant bruit de fond, se mêlant alors à d’autres rumeurs urbaines qui se détachent par fines couches (le bourdonnement du trafic, les avions qui décollent, le vent qui joue dans les branches, etc.) comme dans un mille-feuille sonore, là, dans l’allée B 23 d’un Trailerpark de la banlieue nord-est de Las Vegas, Rico fait sa lessive. Ses bras tatoués plongent dans la bassine posée sur le sol poussiéreux et malade et secouent sans entrain une cotte de mailles ajourée. Il s’arrête un moment, s’essuie les mains aux revers de son treillis, et allume une cigarette. Derrière lui, sur le perron de son cabanon monté sur parpaings, une femme l’observe du coin de l’œil, comme on surveillerait un enfant, puis, face sombre et terne, referme la porte coupe-vent qui ne tient plus que par une fixation.


Ici, dans la zone du « sur place ou à emporter ? », dans la zone de la vie au rabais, des aires de stationnement et des dimanches passés en famille recomposée dans les centres commerciaux, dans la zone des existences dépouillées de toute relation concrète au monde et aux autres, Rico fourbit ses armes. Trop pauvre pour se prémunir contre le seigneur, il s’est mis à son service. Sans état d’âme. Ce soir, il suera, se débattra, guerroiera, attaché à un filin, trois mètres au-dessus du sol, dominant de sa superbe les clients du restaurant de l’Excalibur arqués sur leur assiette.

La masse de l’ornement


Dès la fin des années 20, Siegfried Kracauer nous a permis de comprendre dans ses articles sur la naissance de l’industrie de plaisance parus dans le Frankfurter Zeitung en quoi l’« ornement de la masse », qui constitue l’élément structural essentiel de cette nouvelle société des loisirs, conjugue une extrême rationalité des moyens et une ineptie des fins. L’ornement publicitaire ou spectaculaire, artistique ou politique, architectural ou sportif, fait du processus mécanique de la société une parure éclatante, une arabesque sans signification où le socius s’admire dans l’instant unique d’une représentation formelle et englobante. Les jambes des Tiller Girls comme les nouvelles attractions urbaines (salles de cinéma grand spectacle, galeries de jeu, etc.) exhibent la puissance créatrice pure du procédé social, expurgé de toute finalité humaine. Hic Rhodus, hic salto.


Mais, en vérité, à Las Vegas, la force formatrice du processus n’est plus la masse elle-même dans la virginité candide de sa puissance physique. L’engeance déclassée et abrutie qui poireaute dans les galeries marchandes et les parcs d’amusement l’a remplacée. La crème humaine, homogène et lisse, comme un baume protecteur, qui s’épand partout tient son origine de la classe moyenne universelle, d’où qu’elle vienne et quelle que soit sa langue natale. Une certaine image inversée de l’enfance lui tient lieu de dénominateur commun, car, incapable de modifier le moindre pouce de sa piètre réalité, elle s’est mise en demeure d’opérer la grande régression sociale dans l’infantilisme. Sans goût pour l’innocence, elle a délaissé sur-le-champ l’esprit de sérieux, que les esprits critiques incarnent à ses yeux, toujours à venir ratiociner sur le réel, avec leurs sempiternelles mises en garde, et elle s’est ouverte compulsivement aux plaisirs régressifs du pipi-caca hypoculturel. Elle s’est exilée du monde commun que représente la vie politique et sociale et a trouvé un refuge douillet dans les souvenirs enchantés et forcément simplissimes de ses tous premiers âges, lorsque le réel sucré ne possédait pas cette dureté qui la fait horriblement souffrir. Le Pays des Jouets de Pinocchio n’évoque plus pour elle un lieu inaccessible que l’on aborde par hasard (elle a même oublié qu’à la fin les fêtards s’y transforment en ânes), mais une succursale de Hollywood et de Disney qui a pris pied dans le désert de Mojave pour le remplir de son bric-à-brac qui se déverse partout.


Mais, dans les artères translucides de Las Vegas, la pompe des moyens alloués à la satisfaction ludique n’est là que pour masquer la bassesse insigne du fond et abêtir le client. Le décoratif a pris le pas sur l’essentiel, ou plutôt il est parvenu à extraire de la futilité même son essence la plus rare : le mesquin. A cette heure avancée de la nuit, on se prend parfois à songer que le mouvement rétrograde va bientôt atteindre son stade final et se figer dans la nullité du temps perdu. Mais les quantités restantes de la trivialité sont infinitésimales, et il y aura toujours, en deçà de la stupidité offerte, un degré encore plus inférieur à aller explorer et exploiter. La superficialité n’a pas de fond. « Mais jusqu’où vont-ils aller ? » me demandait mon voisin stupéfait face à l’explosion sonore et lumineuse des jets d’eau du Bellagio. Il ne me semble pas avoir perçu de tonalité négative dans sa question.



Bruce Bégout